26 septembre 2002, 26 septembre 2022 : vingt ans jour après jour, depuis le plus grand naufrage du Sénégal, d’Afrique et du monde. Vingt ans de peines et de tristes souvenirs.
Le Joola, l’une des catastrophes les plus meurtrières de l’histoire de la navigation civile, avec près de 1 900 morts, fut bien plus grave que celle du paquebot britannique Titanic avec ses 1 500 morts. Pourtant elle demeure bien moins connue. Un drame oublié.
Depuis 1990, le ferry faisait la navette entre Dakar, la capitale, et la ville de Ziguinchor dans la région de Casamance. Et dans la nuit du 26 au 27 septembre 2002, il sombra sur les côtes gambiennes. A bord, des centaines d’étudiants, une trentaine d’Européens, de nombreux enfants de moins de 5 ans, une kyrielle des vendeurs ambulants, des touristes, etc.
Avec son lourd bilan de perte en vies humaines, il n’y a seulement eu six cents corps retrouvés et soixante-quatre rescapés, selon le bilan officiel. Ce qui laisse le Sénégal sous un choc indicible.
Vingt ans après, le bateau gît toujours au fond de l’eau. Il demande son renflouement. C’est la lutte que mène les familles de victimes. Une lutte assez noble, du fait que les corps des disparus méritent d’être inhumés à l’accoutumée.
Abdou Kané, jeune étudiant sénégalais et proche d’une des victimes, nous confie ces mots : « plus jamais une telle négligence de la part des autorités compétentes, car un bateau qui devait transporter 550 passagers s’est retrouvé avec une surcharge de plus de 2 000 passagers ». Incroyable !
A propos du chavirement du navire Le Joola, le portail d’informations Le Monde note qu’« outre le documentaire d’Alain Delvalpo et Jean-Philippe Navarre, « Souvenons du Joola » ou le roman Les Veilleurs de Sangomar, de Fatou Diome (Albin Michel, 2019), l’histoire n’a pas beaucoup inspiré les artistes ».
Du moins, au Sénégal, en Casamance, un musée est en construction pour perpétuer l’histoire de la tragédie du 26 septembre 2002. Un mémorial qui permettra aux générations futures de découvrir ce que fut le naufrage du Joola.
Par ailleurs, l’un des 64 rescapés du naufrage, Patrice Auvray, note dans son ouvrage Souviens-toi du Joola (éd. Globophile, 2012) l’ambiance à l’embarcadère : « Ceux munis d’un billet sont disciplinés pour ne pas retarder le départ, mais ceux qui n’en ont pas essaient d’en trouver ou même d’entrer en fraude dans le bateau. A l’entrée du sas d’embarquement, la personne préposée au contrôle des passagers est manifestement dépassée par ce manège infernal. S’il interpelle quelqu’un, d’autres passent derrière lui pendant qu’il est occupé… »
Et Fatou Diome, dans son opuscule précité, entame le morceau avec ces mots : « Avec ou sans lune, ils veillent, regroupés autour d’un feu de bois, au centre de l’île de Sangomar ; en attendant de poursuivre leur voyage, ils traversent la nuit du Saloum et répondent à ceux qui les réclament sur l’autre rive. À terre, certains essaient encore de comprendre par quelles voies du destin ils s’étaient croisés, avant de se retrouver piégés ensemble, là-bas, dans un repli de l’Atlantique… »
Pascal M. Muteba
Dakar, le 27 septembre 2022